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Publié le mercredi 30 janvier 2019

Université Populaire Jacques-Lacan

IRONIK ! – janvier 2019

Le bulletin Uforca numéro 33


Raphaël, L’école d’Athènes, 1511 (détail)

Clinique sous algorithme

« À force de produire des machines, de manier des machines, d’être l’interlocuteur de machines, il s’est produit quelque chose dans l’imaginaire de l’homme contemporain – se prendre pour une machine ou aimer être traité comme une machine1. » Le champ de la psychiatrie n’échappe évidemment pas à ce nouvel anthropomorphisme. L’édition 2019 de la semaine d’information sur la santé mentale (SISM) se penche ainsi sur « La santé mentale à l’ère du numérique2 », suivant en cela le sillon tracé par l’Organisation mondiale de la santé quant à ce qu’on appelle désormais la e-santé mentale. L’OMS définit celle-ci comme « les services du numérique au service du bien-être de la personne », soit les diverses applications de santé, les objets connectés, les téléconsultations, la réalité virtuelle appliquée aux soins, l’intelligence artificielle et les algorithmes, les forums d’entraide, etc. Au niveau européen, notons l’existence, depuis deux ans, d’un projet de e-santé mentale baptisé eMEN3 et financé – pour l’instant – à hauteur de cinq millions d’euros, projet qui vise à augmenter l’utilisation des « produits de e-santé mentale » dans plusieurs pays d’Europe de l’ouest. Le programme d’un séminaire eMEN qui s’est tenu à Paris donne un petit aperçu du genre de sujets de recherche promu dans ce cadre : « Les nouvelles technologies dans la prévention du suicide », « Applications pour l’évaluation des hallucinations précoces », « Self-care pour la gestion de l’anxiété avec son smartphone », « Télémédecine et psychiatrie du sujet âgé »…

Tout ceci s’inscrit dans la suite logique du virage éducatif de la psychiatrie. Si l’éducation thérapeutique vise à faire acquérir au patient des savoirs et compétences afin qu’il devienne plus « autonome » dans la gestion de sa maladie, l’e-santé mentale utilise les possibilités ouvertes par le numérique pour promouvoir encore et toujours plus d’autonomie pour chacun, avec l’algorithme comme partenaire. Les patients se voient proposer des applis pour s’informer, s’autoévaluer, se gérer ; les soignants des outils pour diagnostiquer, mesurer et transmettre des informations.

Le savoir en cause ici est acéphale, désincarné. Le scientisme « qui fleurit avec le cognitivisme et le cognitivisme […] est un exclusivisme de S2. Il ne connaît que S2 et le système des signifiants. Le sujet, l’objet petit a et le signifiant unaire sont autant de termes qui ne trouvent pas à s’inscrire dans son monde4 », indique Jacques-Alain Miller. Le discours analytique, lui, en tant qu’il est indexé à une clinique sous transfert5, permet de produire un savoir inédit, qui s’oriente de ce qu’il y a de plus réel pour un sujet.

Alice Delarue

Note :
1 Miller J.-A., « Neuro-, le nouveau réel », La Cause du désir, n° 98, mars 2018, p. 113.
2 Présentation de l’édition 2019 des Semaines d’information sur la santé mentale
3 e-mental health innovation and transnational implementation platform North West Europe (eMEN)
4 Miller J.-A., « Neuro-, le nouveau réel », op. cit., p. 116.
5 Cf. Miller J.-A., « C.S.T », Ornicar ?, n° 29, 1982.

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Le billet du cartel



Ce premier numéro d’Ironik ! 2019 est entièrement consacré au transfert. Ce concept est rapidement isolé par Freud, puisqu’il évoque déjà en 1895, dans les Études sur l’hystérie, des cas où telle patiente transfère sur la personne du médecin des représentations inconscientes. L’extension et les précisions quant à ce concept le conduisent quelques années plus tard à parler de névrose de transfert.

Lacan précisera les coordonnées du transfert plus spécialement dans les Séminaires VIII et XI. Mais, déjà dans le livre IV, La relation d’objet, il réinterprètera les enjeux de la cure de la jeune homosexuelle comparés à celle de Dora par rapport au transfert pour souligner que cela « se passe essentiellement au niveau d’une articulation symbolique1 ». Lacan a visé un au-delà du repérage intersubjectif. Il en précisera ensuite les termes au fil de son enseignement et de l’élaboration articulée d’autres concepts, notamment l’objet a, puis la jouissance, dont ce numéro va nous donner un aperçu.

Gilles Chatenay, à partir d’une définition précise de trois termes – symbole, signe et signifiant – , nous éclaire sur ce qu’il peut en être du phallus au carrefour de leurs articulations. Le désir de l’analyste permet, dans le transfert, par ses scansions mais aussi ses silences, de faire signe là où il y a manque de signifiant.

Catherine Stef nous rappelle en quoi le transfert, articulé au discours de l’analyste et non pas au discours du maître, permet de sortir des impasses contemporaines au temps du « mariage de la science et du capitalisme ». Elle nous offre un regard critique sur les nouvelles catégories cliniques sans sujet mais pas sans objet consommable (addictions, hyperactivité, burn-out…).

S’il s’agit de « supporter le transfert », nous rappelle Katty Langelez-Stevens, c’est bien qu’il peut y avoir de l’insupportable qui touche au réel du vide recouvert par l’objet a. Mais elle insiste sur la part de leurre nécessaire et de structure du transfert, qui implique de supporter de ne pas interpréter le transfert qui atteindrait une illusoire rectification de la position du sujet. C’est alors, pour l’analyste, supporter la position d’un « je ne pense pas » qui rompt définitivement avec une position d’intersubjectivité.

« L’analyste, il ne suffit pas qu’il supporte la fonction de Tirésias. Il faut encore, comme le dit Apollinaire, qu’il ait des mamelles2 ». Éric Guillot va nous permettre un aller-retour entre le Séminaire XI et le Séminaire XVII, qui extrait du transfert le sujet supposé savoir mais aussi, en soulignant la présence réelle de l’analyste, ouvre à la réalité sexuelle à partir de la fonction de l’objet a.

Armelle Guivarch rend compte, dans sa conférence, d’un maniement possible du transfert avec des sujets psychotiques. Elle nous en montre les difficultés, voire les écueils. Se faire docile, secrétaire ou lecteur n’en réduit pas pour autant le risque d’une « érotomanie mortifiante ». S’appuyant sur l’éclairage que Jacques-Alain Miller nous donne concernant le tout dernier Lacan, non seulement elle nous propose une lecture du transfert dans les différents Séminaires, mais elle témoigne, dans sa pratique à plusieurs, non plus d’un savoir mais d’un savoir-faire.

Jean-Pierre Galloy

Note :
1 Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La relation d’objet, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1994, p. 135.
2 Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 243

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TRAVAUX D'UFORCA


Phénomène et structure du transfert
Eric Guillot, Antenne clinique de Rouen

L’introduction par Lacan, en 1964, à la fin de son Séminaire Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, du terme de sujet supposé savoir a constitué « un coup de force » dans le champ de la psychanalyse, indique Jacques-Alain Miller. Alors que jusqu’à présent le transfert était réduit à sa seule dimension affective, le coup de force que réalise Lacan consiste à situer ce dernier sur le terrain de la relation du sujet au savoir. Il s’efforce de dégager la structure symbolique du transfert en montrant que celui-là résulte de la mise en fonction du sujet supposé savoir... Lire la suite »

La présence réelle dans l’analyse
Gilles Chatenay, Section clinique de Nantes

J’ai orienté ma lecture des chapitres XVI, XVII et XVII du Séminaire Le Transfert sur les termes de « présence réelle ». J’ai tenté de cerner ce qui est réellement présent dans une analyse. C’est une question cruciale, car s’il n’y avait pas du réel présent dans une analyse, elle ne serait il me semble que jeux d’illusions... Lire la suite »

Supporter le transfert
Katty Langelez-Stevens, Section clinique de Bruxelles

Les leçons XII et XIII du Séminaire VIII, Le transfert en sont deux chapitres charnières. Après avoir largement commenté le Banquet de Platon, Lacan en retire un apport essentiel pour l’élaboration de sa doctrine sur le transfert : l’agalma qu’il appelle aussi a. Ce a qui, jusque-là, était l’image de l’autre dans le miroir i(a) prend maintenant une autre valeur... Lire la suite »

Variété du transfert et de ses usages dans les psychoses
Armelle Guivarch, Invitée Section clinique de Bordeaux

Mon propos a pour objet la question du transfert dans les psychoses, et plus particulièrement du transfert à plusieurs en institution, à partir de mon travail dans un service de psychiatrie. On sait que Freud, jusqu’à la fin de son œuvre, est resté réservé sur le traitement psychanalytique des psychoses... Lire la suite »

Le maître et l’analyste : variations sur des usages du transfert
Catherine Stef, Section clinique d’Amiens

Il y a un trou dans le savoir. Dans ce trou, qui fait troumatisme, se logent des tas de choses : des croyances, des objets, des idées, des pratiques, des rituels, des certitudes, toujours plus, parce que ce n’est jamais ça... Lire la suite »


NOS LANCEURS D'ALERTE


SANS PRE-JUGER
État des lieux du parcours en AMP avant la révision des lois de bioéthique
Catherine Vacher-Vitasse

La question de l’accès à l’AMP revient sur le devant de la scène avec la prochaine révision des lois de bioéthique. La médecine de la reproduction s’est saisie des avancées de la science pour proposer à qui en fait la demande des solutions « à la carte » pour tout sujet infertile, hétéro ou transsexuel pour l’instant, en France... Lire la suite »


LACAN SENS DESSUS DESSOUS


Myriam Chérel interviewe Daniel Roy

Myriam Chérel interviewe Daniel Roy, psychanalyste à Bordeaux, membre de l’ECF et de l’AMP, à propos d’une phrase de Lacan extraite du texte « Kant avec Sade » : « Le désir, ce qui s’appelle le désir suffit à faire que la vie n’ait pas de sens à faire un lâche. » Lire la suite »

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