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Publié le dimanche 25 mars 2018

En vue du 4e plan Autisme

La science au coeur de la politique publique de l’autisme ?

Un texte de Patrick Sadoun, président du RAAHP

« Vivant sur les idées fausses sur l’autisme, notre société continue de caricaturer. C’en est assez ! Avec Emmanuel Macron, nous voulons remettre la science au coeur de la politique publique de l’autisme », a déclaré le 14 mars 2018 Sophie Cluzel, secrétaire d’État en charge du Handicap, à propos du 4e plan autisme.

L’intention est louable. Malheureusement il n’existe pas encore de vérité scientifique sur l’origine de l’autisme. Malgré des sommes non négligeables investies dans la recherche un peu partout dans le monde on ne dispose aujourd’hui d’aucun marqueur biologique, génétique ou d’imagerie médicale pour poser le diagnostic d’autisme. Il serait donc sage de considérer les différentes théories sur cette question comme de simples hypothèses de travail. Certes certaines sont assez farfelues, voire dangereuses (comme celle qui rendent le vaccin ROR ou le gluten et la caséine responsables de l’autisme), d’autres (comme les pistes neurodéveloppementales ou pluri-géniques) semblent bien plus plausibles mais un esprit scientifique ne devrait pas se contenter de présomptions de preuves.
D’autant plus que, vue l’extension actuelle du champ des troubles du spectre autistique, il est peu probable que toutes les formes d’autisme aient la même origine.

Cependant on ne peut pas attendre qu’une « vérité » scientifique soit établie et reconnue pour accueillir et accompagner les centaines de milliers de personnes et de familles concernées. Le principal scandale de la politique de l’autisme en France c’est justement l’absence de toute réponse des pouvoirs publics aux innombrables familles qui doivent porter seules les enfants, les adolescents et surtout les adultes les plus sévèrement affectés par ces troubles.

Par ailleurs il est parfaitement légitime que les pouvoirs publics soient soucieux de l’évaluation de la qualité des interventions auprès de nos enfants. Ainsi l’évaluation des 28 centres expérimentaux financés à grand frais sur les deniers publics pendant de nombreuses années s’est avérée très décevante (on peut lire à cet égard l’analyse proposée par Jean-Claude Maleval et Michel Grollier). Les méthodes de conditionnement utilisées dans ces établissements, outre la question éthique et celle d’un cout 2 à 4 fois supérieur aux établissements classiques, sont bien loin d’avoir tenu la promesse initiale de « guérison » d’un autiste sur deux.

Ces méthodes prétendaient pourtant être prouvées scientifiquement. Certes la Haute Autorité de Santé, dans ses recommandations de 2012, ne leur avait pas accordé le grade A. Mais aucune autre n’avait obtenu ce grade supérieur, conféré uniquement à des vérités scientifiques établies.

La science ne peut donc malheureusement pas non plus, à l’heure actuelle, nous indiquer la meilleure façon de s’y prendre avec une personne autiste pour l’aider à s’ouvrir aux autres et au monde, à progresser et à s’épanouir. Et pourtant c’est la question la plus importante pour tout parent. Nous tenons tous à ce que la qualité de l’accueil dans les différents établissements ou services soit régulièrement évaluée. Et ce qui nous importe par-dessus tout, bien davantage que les références théoriques qui servent aux professionnels à avoir quelques repères dans leur pratique, c’est la réalité quotidienne que vivent nos enfants avec eux. C’est là le sens des indicateurs de qualité proposés par le RAAHP dans le cadre de la préparation du 4e plan autisme.

Alors que la science n’est pas encore en mesure de répondre aux questions essentielles de l’origine des autismes et qu’elle n’a validé sérieusement aucune démarche pour soutenir et aider à progresser les personnes autistes, il serait illusoire et dangereux de lui demander ce qu’elle ne peut pas donner. Cela favoriserait le dogmatisme de ceux qui, tournant le dos aux réalités, prétendent détenir une vérité unique et universelle et cela relancerait des guerres de religions stériles et destructrices. Ce serait aussi contraire à l’esprit du président Macron qui, dans son intervention à l’Elysée pour le lancement du 4e plan, avait clairement souligné sa volonté d’ouverture, de pragmatisme et d’apaisement.

Patrick Sadoun
Président du RAAHP, le 18 mars 2018

Note : un débat sur ces sujets avec des scientifiques renommés comme les généticiens Thomas Bourgeron et Bertrand Jordan (auteur du livre Autisme, le gène introuvable) ou le professeur Richard Delorme (chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Robert Debré à Paris) s’est déroulé à Paris en octobre 2017. On peut accéder à la vidéo des débats.

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