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Publié le jeudi 7 septembre 2017

Antenne clinique – Session 2017-18

Séminaire théorique : Psychoses extraordinaires et ordinaires


Folie vient du latin « follis », c’est-à-dire une outre remplie d’air, un ballon. Posons cette image d’un objet soumis à tous les vents, difficile à saisir. L’histoire de la psychiatrie en témoigne.

Le terme a été remplacé par psychose1.

Quand Freud rencontre, aux débuts de son expérience, le problème clinique des psychoses, il ne trouve pas dans la culture psychiatrique de langue allemande l’opposition conceptuelle névrose-psychose. Les deux termes sont d’un emploi très courant mais ne constituent nullement un couple d’opposés2. Employé au pluriel, les psychoses recouvrent des troubles mentaux d’origine organique aussi bien que les délires et des affections que l’on appellerait plutôt névroses de nos jours3.

Le concept de psychose est purement freudien et son élaboration se situe dans l’inédit de son expérience, que nous pouvons suivre dans ses premiers écrits et ses lettres et manuscrits à Fliess4.

Quelques années plus tard, Freud découvre le livre du Président Schreber, Mémoires d’un névropathe, et écrit « Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa », texte qui pose les axes de l’approche freudienne de la psychose.

Lacan a consacré une année de son Séminaire, livre III, Les psychoses5, à l’étude des deux textes, ceux de Schreber et de Freud, et il a condensé l’élaboration de l’année dans l’écrit « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose6 ». Dans cet écrit, qui est aussi une introduction aux constructions lacaniennes, on trouve l’affirmation que la condition essentielle de la psychose est « la forclusion du Nom-du-Père à la place de l’Autre et l’échec de la métaphore paternelle » , postulat qui marque un avant et un après dans la conception psychanalytique des psychoses.

Dans la suite de son enseignement et le renouveau de la pratique analytique que Lacan a continué à apporter, nous trouvons des indications notamment à propos du transfert dans les psychoses7.

On peut considérer que pour le dernier Lacan, la question énigme concernant les psychoses culminait avec l’étude de Joyce8 et les phénomènes dont l’écrivain irlandais pâtissait selon les témoignages de son œuvre. Ce qui taraudait Lacan, bien plus que de répondre à la question Joyce était-il fou ?, était de savoir comment le nœud des trois registres hétérogènes du réel, du symbolique et de l’imaginaire supportait le sujet.

Mais la clinique d’aujourd’hui nous montre de nouvelles problématiques en lien avec les transformations de la civilisation. Nous pouvons voir à l’œil nu les effets conjugués des discours dominants de la science et du capitalisme. En 1970 Lacan épinglait comme indices de ce moment de la civilisation la chute des idéaux et la montée de l’objet a. Plus tard Jaques-Alain Miller et Eric Laurent proposaient une formule retentissante : « nous sommes à l’époque de l’Autre qui n’existe pas » avec son corollaire qu’est l’éventail étalé des modes de jouissance.

Immergé dans toutes ces transformations, le travail collectif des élèves de Lacan, des Sections, Antennes et Collèges cliniques9, impulsé par Jacques-Alain Miller, a abouti au syntagme psychose ordinaire, qui n’est pas une nouvelle catégorie clinique mais un appareil épistémique supplémentaire. C’est une psychose voilée, à déchiffrer avec les instruments du dernier enseignement de Lacan.

De la clinique des structures et la primauté du symbolique avec la rigidité de deux champs tranchés, névrose et psychose, on passe à la clinique des nœuds et des arrangements singuliers des modes de jouissance pour chaque sujet.

Le clinicien cherchera « un désordre provoqué au joint le plus intime du sentiment de la vie chez le sujet » comme indice de la noninscription de la signification phallique, et les retentissements de ce désordre dans son monde environnant, son corps et sa subjectivité. La casuistique de la psychose ordinaire ne cesse de s’élargir dans sa diversité et son actualité.

Nous consacrerons un temps du séminaire théorique à l’autisme et à la psychose infantile, vastes et difficiles problèmes.

Il faudra aussi tenter de cerner avec les instruments de la psychanalyse les variations de l’humeur et l’étonnante expansion du diagnostic de bipolarité.

Notes :
1 Porot A., Manuel alphabétique de psychiatrie, Paris, PUF, 1984.
2 Bercherie P., « Constitution du concept freudien de psychose », Géographie du champ analytique, Paris, Navarin, 1988.
3 Ibid.
4 Freud S., Lettres à Wilhelm Fliess 1887-1904, Paris, PUF, 2006.
5 Lacan J., Le Séminaire, livre III, Les psychoses, Paris, Seuil, 1981.
6 Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Ecrits, Paris, Seuil, 1966.
7 Lacan J., « Présentation des Mémoires d’un névropathe », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001.
8 Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005.
9 Le Conciliabule d’Angers, La Conversation d’Arcachon, La psychose ordinaire, Paris, Agalma-Seuil, 1997, 1997, 1999.

« La différence tranchée qui sépare la névrose de la psychose est cependant estompée en ce qu’il y a dans la névrose aussi une tentative pour remplacer la réalité indésirable par une réalité plus conforme au désir. La possibilité en est donnée par l’existence d’un monde fantasmatique » Freud S., « La perte de la réalité dans la névrose et dans la psychose », Névrose, psychose, perversion, Paris, PUF, 1973, p. 302.

« (Freud) a considéré que rien n’est que rêve, et que tout le monde (si l’on peut dire une pareille expression), tout le monde est fou, c’est-à-dire délirant. » Lacan J., « Lacan pour Vincennes ! », Ornicar ? n°17-18, Paris, Lyse, 1979, p. 278

« Nous nous retrouvons aujourd’hui à la Convention (d’Antibes), troisième temps (après la Conciliabule d’Angers sur Effets de surprise dans les psychoses et la Conversation d’Arcachon sur Cas rares : les inclassables de la clinique). En lisant le recueil (des textes préparatoires à la Convention), j’ai eu le sentiment que ce que nous avions abordé sous l’angle des cas rares, nous l’abordions maintenant sous l’angle des cas fréquents. Nous nous sommes aperçus que ce que nous avions désigné comme des cas rares par rapport à notre norme de référence, à notre mètre-étalon, disons la « Question préliminaire », nous savions très bien par ailleurs que, dans la pratique quotidienne, c’étaient des cas fréquents. […] Voilà donc comment je me représentais notre chemin, après coup. Nous sommes passés de la surprise à la rareté, et de la rareté à la fréquence. Je me disais hier soir : comment appellera-t-on le livre qui sortira de cette journée ? On ne mettra pas Néo-déclenchement, néo-conversion, néo-transfert. Va-t-on mettre Les néo-psychoses ? […] Et je me disais : finalement, nous parlons de la psychose ordinaire. » Miller J-A., La psychose ordinaire, Paris, Agalma, 1999, p. 230.

Bibliographie :
Une bibliographie générale sera consultable prochainement. Chaque enseignant sera susceptible de donner des éléments supplémentaires.
Certains ouvrages sont consultables à la bibliothèque commune de l’Antenne clinique de Rouen et de l’ACF-Normandie à la Maison de la psychanalyse – 48 rue de l’Abbé de l’Epée à Rouen.

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