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Publié le mardi 21 février 2017

Théâtre

A propos de Mayday

Une pièce de Dorothée Zumstein (texte) , Julie Duclos (mise en scène)

La création de MayDay eut lieu les 1er et 2 février derniers au Théâtre de la Foudre à Petit-Quevilly.

Il s’agit d’une pièce inspirée d’un fait divers qui marqua l’Angleterre en 1968, à savoir le meurtre par Mary Bell, une fille de onze ans, de deux petits garçons plus jeunes qu’elle et ce à quelques semaines d’intervalle. Elle a été jugée et condamnée. Devenue adulte et sortie de prison, elle changea de nom, deviendra Mary Burns dans le but de fuir les journalistes. Elle confiera son histoire à une journaliste, Gitta Sereny qui avait suivi le procès et mené une longue enquête pour tenter de rendre compte des raisons d’un tel geste et cela en dehors du déchaînement médiatique qu’avait causé ce meurtre puisque Mary était devenue pour toute l’Angleterre la bête à abattre.

Ce qui l’amène à se livrer ainsi pour la première fois est un cauchemar qui revient sans cesse et la réveille toutes les nuits : une fille avec une capuche rouge met sa main sur la poignée d’une porte pour l’ouvrir, mais à ce moment là une violente douleur la saisit, la paralyse et l’empêche d’effectuer son geste. Les portes vont d’ailleurs scander le rythme de cette pièce.

Ainsi commence cette pièce dont le texte est de Dorothée Zumstein : texte absolument admirable dans la mesure où il repose sur cette interview lors de laquelle Mary ne raconte pas son histoire mais elle en fait défiler des fragments, des bribes en rapport avec les signifiants-maîtres de son histoire tout en ne cessant jamais d’interroger le désir, le désir des femmes et leur jouissance : d’où l’importance des portes qui vont servir de cadres à ce questionnement. Pour ce faire elle amène à comparaître trois générations de femmes : elle petite, sa mère et sa grand-mère maternelle.

L’histoire se passe dans un quartier populaire de Newcastle. La fille à la capuche rouge, c’est elle, une fille délaissée, qui passe ses journées dans la rue, à aller de jardin en jardin, de maison délabrée en maison délabrée et abandonnée. Elle doit s’occuper de tout car sa mère n’est jamais là. Mary aime danser. Elle va tuer les deux petits garçons, qui étaient des compagnons de jeu, froidement, en les étranglant. Elle ne mesure pas la portée de ses actes dans la mesure où elle croit qu’ils ne sont pas morts pour de vrai. On ne comprend pas les raisons de son geste si ce n’est que par deux fois, elle va ouvrir la porte de la maison des deux mères dont les fils ont été assassinés pour interroger ce qu’il en est de la mort d’un enfant pour une mère, ce qu’est un enfant pour une mère. Qu’a-t-elle été pour sa propre mère ?

Sa mère, Betty, belle femme, aurait pu devenir une très grande danseuse si très tôt elle n’avait préféré aller se prostituer dès le matin à Glasgow en laissant son enfant seule. Elle n’avait pas dix-huit ans quand elle eut Mary, accueillie à sa naissance par ces terribles paroles « Débarrassez-moi de cette chose ! ». La fille ne connaîtra jamais le nom de son père et sa mère tentera à plusieurs reprises de la tuer. Avant de devenir la fille la plus haïe d’Angleterre, elle le fut pour sa mère.

Quand la mère de Betty est à son tour en quelque sorte convoquée dans les souvenirs de Mary, c’est une femme qui parle de son mari comme d’un « roi », un mineur que chaque soir elle lave dans la bassine de la tête aux pieds comme elle le fait pour ses enfants. Alors qu’elle était invitée un dimanche pour trois heures chez sa sœur, un contretemps la fait revenir chez elle. Elle pose la main sur la poignée de la porte de la chambre où se repose son mari, les trois heures sonnent, son bras est le siège d’une violente douleur qui la saisit, la paralyse et l’empêche de terminer son geste. Derrière la porte se trouve également Betty.

Ainsi se noue le destin de trois générations de femmes et le ravage mère-fille qui en résultera pour Mary.

Jean-Louis Woerlé

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