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Publié le samedi 31 décembre 2016

Le Prélude de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Prélude de janvier

Janvier 2017

L’année 2016 s’est achevée sur le combat victorieux contre l’infâme Proposition de Résolution du député Daniel Fasquelle demandant au gouvernement de « condamner et d’interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes » pour la prise en charge de l’autisme au motif qu’elles ne sont « pas recommandées par la HAS ». Cette Proposition a été rejetée le 8 décembre dernier. Nous n’y sommes pas pour rien. L’ECF derrière son Directoire et toutes les ACF se sont mobilisés massivement : rencontres avec les députés, pétitions ayant recueillies plus de 30000 signatures en moins de 15 jours, lettres ouvertes, buzz sur les « réseaux sociaux » - nous avons fait feu de tout bois et permis qu’un débat de qualité fort instructif ait lieu à l’Assemblée Nationale. Vous en trouverez de larges extraits dans Lacan Quotidien 617 sous la plume de Pierre-Gilles Gueguen.

Cependant, comme le note Gil Caroz sur My Way, le blog de PIPOL 8, « le projet de résolution a été rejeté, mais le mal est fait. Les choses ont été dites, et elles feront leur chemin. Rien de bon ne nous attend dans l’avenir sauf à continuer notre travail de psychanalystes, c’est-à-dire l’analyse du discours scientiste ambiant afin de dévoiler sans répit la malveillance de ces tentatives de figer le savoir de l’inconscient, de le faire taire à jamais, par des moyens légaux. » Ainsi mon attention a-t-elle été attirée par le discours de Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Celle-ci s’est indignée, à juste titre, d’une Proposition visant à supprimer la liberté de prescription des médecins en demandant ouvertement de « réprimer pénalement tout professionnel de santé qui ne respecterait pas les recommandations de bonnes pratiques ».

Néanmoins tout son discours montre l’ambiguïté des « recommandations de bonnes pratiques ». Si Madame Neuville affirme que ce n’est pas son rôle de décider si telle ou telle méthode, si tel ou tel traitement serait meilleur qu’un autre, et si elle ajoute, effrayée, « imaginez les conséquences d’une limitation de prescription pour toute nouvelle approche qui n’entrerait pas dans les recommandations de bonnes pratiques – y compris celles basées sur des découvertes scientifiques publiées –, au prétexte qu’il faudrait attendre une réactualisation des recommandations ? Car des publications, il y en a tous les jours, alors que les recommandations ne sont renouvelées que tous les cinq à dix ans », elle n’en réaffirme pas moins que son rôle est « de promouvoir les recommandations de bonnes pratiques de la HAS » et elle s’emploie à décliner toutes les actions mises en branle dans le cadre du troisième plan autisme. Elle nous indique que « l’utilisation des recommandations de bonnes pratiques médicales permet d’accompagner le médecin dans son obligation de se fonder sur les données acquises de la science tout en respectant sa liberté d’exercice. » Voilà le point central : les « recommandations de bonnes pratiques » sont considérées comme « les données acquises de la science ». Ségolène Neuville nous apprend que l’article R4127-8 du code de la santé publique a été modifié par un décret du 7 mai 2012, qui nous dit : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. » C’est dire que la liberté de prescription s’inscrit dans le cadre des « recommandations de bonnes pratiques » !

Ceci n’est pas étranger à notre initiative du Forum Psy sur les «  Souffrances au travail chez les soignants » qui ouvrira 2017, le 7 janvier à Rouen. Vous pouvez en lire le programme et l’appel sur POL.

Car ne nous y trompons pas, le débat sur la prise en charge de l’autisme est en réalité un débat sur la prise en charge de tous les êtres parlants en souffrance et préfigure le projet en cours d’une « santé sans soins » – si l’on définit le soin comme s’inscrivant dans le cadre d’une relation transférentielle, partant du plus intime et du plus particulier d’une souffrance pour que celle-ci puisse être traitée « sur mesure », pas sans l’hypothèse de l’inconscient et de l’impact de la langue sur le corps parlant. Dans un tel débat, il y a un « ou bien ou bien » exclusif : ou bien le triomphe du chiffre et des « normes » pour qui l’intime toujours « hors norme » est forclos, ou bien l’espace reconquis de la clinique, pas sans l’inconscient ni le transfert. Les soignants aujourd’hui meurent sous le joug de « protocoles » imposés autoritairement par des administrations transformées en bureaucraties pour qui le savoir se réduit à des chiffres, l’assèchement du savoir accompagnant celui des budgets – « délits statistiques », « tarifications à l’acte », professionnels « interchangeables » épuisés, soin éradiqué comme « obsolète » ou « surnuméraire » etc. – le tout au nom d’un « scientisme » qui étouffe la vraie science ! Dans ce débat, il est logique que le discours analytique devienne un obstacle, une menace à éradiquer et qu’il soit au cœur de toutes les attaques contre l’accueil, le soin et l’accompagnement. C’est pourquoi nous vous invitons à débuter l’année sur les chapeaux de roue en venant au Forum Psy !

L’ACF Normandie poursuivra en 2017 son « travail de civilisation » en promouvant sans relâche l’étude de la psychanalyse d’orientation lacanienne et de ses connexions avec le champ de la médecine, de la science et de la culture. Le 28 janvier le Séminaire Interne se poursuivra ; le cartel qui en a la responsabilité mettra à ciel ouvert son travail autour du chapitre « Le corps entre vide et excès » du livre d’Éric Laurent L’envers de la biopolitique. Une écriture pour la jouissance.

Enfin, nous aurons le plaisir d’accueillir Hélène Bonnaud, psychanalyste, membre de l’ECF, à Rouen le 26 janvier. Elle donnera une conférence sur « Le corps et ses excès à l’adolescence » puis une discussion aura lieu autour de son remarquable ouvrage Le corps pris aux mots.

Bonne année 2017 !

Marie-Hélène Doguet-Dziomba,
Déléguée régionale de l’ACF-Normandie

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