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Publié le mercredi 7 décembre 2016
Prise en charge de l’autisme : oui au libre choix de la méthode de soin, non à l’interdiction de la psychanalyse
Prêter ma voix...
Lettre ouverte de Lydie Lemercier-Gemptel, psychologue clinicienne orientée par la psychanalyse

Gunga Din, Jean-Michel Basquiat, 1981
Madame la Députée,
Je me permets d’attirer votre attention sur le projet de Monsieur le député Fasquelle relative à la prise en charge des autistes visant à interdire la psychanalyse, projet qui sera discuté à l’Assemblée Nationale le 8 décembre prochain.
Psychologue clinicienne orientée par la psychanalyse dans un hôpital de jour accueillant près de 50 % d’enfants autistes, pour beaucoup sans langage et avec des troubles associés (épilepsie, anomalies génétiques, difficultés motrices...), l’équipe pluridisciplinaire est particulièrement attentive, par la diversité de ses approches, à s’adapter à la singularité de chaque enfant tout en respectant les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui constituent, avant tout, des aides à la décision et préservent, jusqu’alors, le discernement du clinicien et la responsabilité de son acte. Dans cette institution, la référence analytique n’est pas unique mais combinée à d’autres approches (thérapie par le jeu, psychomotricité, orthophonie, temps scolaire, mise en place du PECS (méthode de communication avec supports visuels : images, pictogrammes), groupes avec médiations artistiques...) une pluralité qui permet ainsi d’accueillir chaque enfant autiste aux formes d’expression très variées d’où le terme de « spectre autistique ». La frontière entre le volet thérapeutique, éducatif, cognitif est parfois imprécise, difficile à saisir, ces trois volets étant intriqués.
Ces différentes approches peuvent les unes et les autres induire des changements significatifs et l’adhésion de l’enfant à la méthode proposée est un élément décisif quant au choix du traitement. Encore faut-il que cette diversité soit demain encore possible pour lui. A écarter la psychanalyse, ne risque-t-on pas de priver l’enfant de cet appui possible ? L’enfant est-il alors condamné au silence faute d’un autre attentif à sa langue singulière ? Je pense à certains enfants qui, chaque jour, décrochent le pictogramme relatif à nos séances pour mieux indiquer leur attente de ce moment unique, imprévisible, centré sur son invention... L’approche psychanalytique de l’autisme, loin du schéma traditionnel divan-interprétation, tient compte du fonctionnement cognitif et de la singularité du langage mais de surcroît, elle prend en compte la spécificité de leur vie affective, de leur mode d’expression, de leurs comportements irrationnels, ces multiples façons de lutter contre l’angoisse, ce sur quoi la psychanalyse est à même d’apporter une ouverture. Elle accueille les points forts de l’enfant ou ses points de fixation comme autant de tremplins pour ouvrir des compétences, en convergence avec notamment les « thérapies par affinité » fondées par des américains soucieux de proposer d’autres chemins (Suskind et Dan Griffin) aux méthodes éducatives protocolisées. Owen Suskind, autiste aujourd’hui adulte, écrit en ces termes son travail accompli au détour de ses affinités pour les films Disney : « Nous devons nous servir de visions que notre imagination nous fournit - ces passions puissantes, pour nous aider à nous frayer un chemin dans le monde ». Son père, Ron Suskind, quant à lui, écrit : « Au lieu de le forcer à entrer dans notre monde, Owen nous a entraînés dans le sien » (Affinity thérapie, nouvelles recherches sur l’autisme, PUR, 2015, p. 63 et 27).
Cette approche patiente et respectueuse nous invite également à prendre en compte l’ensemble des partenaires de l’enfant et notamment ses parents, qui bien souvent, ont construit, pas à pas, avec lui des passerelles, des modalités d’échanges innovantes pour éviter les moments d’angoisse dévastateurs tant pour l’enfant que pour sa famille. Ce sont ces trouvailles, au un par un, que nous accueillons loin de tout standard tout en introduisant, lorsque cela est possible, les supports visuels, éducatifs, pédagogiques que l’enfant accepte de saisir dans une temporalité qui reste la sienne. Faut-il encore que l’angoisse ne soit pas trop vive et c’est sans doute là que la psychanalyse peut trouver sa place tant auprès de l’enfant, de sa famille, des équipes.
Je souhaite seulement témoigner auprès de vous de ce travail particulier réalisé le plus souvent avec des moyens modestes, prêter ainsi ma voix à ces enfants arrêtés au seuil du langage, pour que demain cette rencontre avec l’analyste dans les institutions soit encore possible. Veuillez croire, Madame la Députée, à l’expression de toute ma considération.
Lydie Lemercier
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