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Publié le mercredi 1er septembre 2021

L’Edito de la déléguée régionale de l’ACF-Normandie

Calligraphies

Septembre 2021

Le père, l’éthique et le réel

L’aphorisme de Lacan le martèle : « Le réel c’est l’impossible. »
Passé le premier moment de surprise, cela s’éclaire de la différence entre le « réel » et la réalité.
La réalité est une illusion, cela a été bien déplié dans de nombreuses réflexions depuis déjà longtemps. Les cinq sens ne sont que trompeurs, et ne permettent pas plus qu’une grossière analyse de ce qui nous entoure et la science affirme qu’ils sont limités : nous n’avons guère de chance d’atteindre une objectivité pleine et entière.
Si je dis : le réel devient l’impossible à prévoir ? cela a l’air solide. Oui, l’impossible c’est souvent seulement ce qui n’a pas été prévu, pensé : Cette voiture là, à ma droite qui me passe devant le nez, oh, tout juste ! Oui elle avait beaucoup de l’impossible !
Mais ce qui ne pouvait pas du tout être prévu ?
Par exemple la pandémie, qui nous avait été promise au moment où la grippe H1N1 nous faisait déjà bouder le vaccin qui devait nous protéger, qui pensait qu’elle reviendrait quelques années plus tard, nous rappeler nos rires légers !
Cette fois nous avons l’horreur d’un virus dangereux voire mortel, sans traitement clairement efficace pour le transformer en « grippette » et un vaccin long et difficile à mettre au point dans une forme suffisamment protectrice, de sorte que nous ne pouvons nous passer des mesures d’éloignement social qui s’imposent actuellement.

Pouvions-nous le prévoir ? Ou plutôt ne pouvions-nous pas faire autre chose que de l’imaginer ? C’est-à-dire, nous éloigner du vrai, évidemment. Et donc, laisser des zones d’ombre nécessitant à chaud des décisions.
Je suis sur ce point, en pays déjà un peu exploré ici, c’est-à-dire la question du temps rétrograde, dit « futur contingent ». Là, nous sommes dans la structure de la phrase qui se comprend en faisant agir le sens (grammatical) du dernier mot sur le premier.

Il y a deux sens au mot « sens ».
Littré trouve deux mots homonymes, et pour le premier, « appareil qui met l’homme et les animaux en rapport avec les objets du dehors », vingt-deux distinctions de « sens ». Le deuxième mot étant lié lui, au sens mouvement, direction avec « sens dessus dessous » comme première occurrence. Le Robert se contente d’un mot, avec différentes acceptions plutôt classées par concept, au nombre de six grandes divisions.
Retenons qu’il y a du corps, des mots, et quelqu’un qui dit « je sens ».

Et le réel ? Si c’est « l’impossible à dire » – formulation plus tardive de Jacques Lacan, à propos toujours de la catégorie du réel –, qui tient avec le symbolique et l’imaginaire, alors ?
Quelqu’un, qui a un corps, et qui dit : « Je sens » ? Alors il (elle) n’a pas de mots ?
Mais « je sens » c’est déjà des mots ? Et si c’est hors sens, ce réel, alors comment en parler ?
Dans le dernier numéro de Mental, le n° 43, Croyances et psychanalyse, Eric Laurent nous propose une étude sous le titre : « Le père de famille et le père de la croyance ».
Il montre à travers trois exemples les transformations de la croyance, chez trois chrétiens qui en ont attesté dans leurs témoignages, ainsi que l’impact que leurs écrits ont eu sur l’évolution de la religion chrétienne.
Cette croyance est mise en question. Par exemple, un père de famille s’opposant à cette croyance, cela produit une angoisse qui nécessite un remaniement psychique important dont les écrits respectifs témoignent. Clairement, l’angoisse est produite par un point « d’impossible à supporter » qui concerne d’assez près le corps, dans les trois cas dépliés par Eric Laurent.
Alors, est-ce en cherchant le « comment bien faire ? » que se rencontre le réel ?, là où nous croyons que nous savons le bien, là nous rencontrons cette contradiction si angoissante ? Ce point qui conjugue quelque chose de l’objet et du père ?

C’est ce qui fait le programme déplié dans la première leçon du séminaire VII, L’Ethique de la Psychanalyse.
Lacan nous y entraine dans un parcours éblouissant.
Partant de notre production, qu’il appelle « l’oeuvre » (éventuellement collective), associée au particulier de la pratique de chacun, il pose la question de ce que nous produisons dans notre travail. C’est donc de conséquences qu’il va s’agir. L’éthique, celle des conséquences, n’est pas loin. Mais l’éthique, c’est aussi ce principe qui guide l’action. Avant les conséquences de celle-ci ! Il est clair que la « vision naturaliste du désir » n’a pas donné suite aux espoirs mis en elle. Pas d’éternelle concorde à l’horizon, pas même de couple sans histoire !
Au contraire notre époque le montre tant et plus, cela se diffracte, se divise, se retourne en son contraire. L’amour universel ne s’établit pas malgré les efforts déployés.
Lacan souligne combien, malgré les efforts de Freud, la pente à croire en une harmonie de développement dans une convergence réussie avec l’autre sexe par exemple, est contredite par la réalité de chaque jour.

C’est donc Aristote et sa formulation du souverain bien qui lui servira de guide, avec Malaise dans la civilisation de Freud. L’impératif « Wo Es war, Soll Ich verden » (« Là où c’était que je vienne à être ») se déplie avec ses exigences paradoxales – cruelles dit Lacan – qui révèlent le poids du Surmoi.
Nos idéaux, qui ne manquent pas, comme Lacan le souligne, ne sont-ils pas encombrants ? Pourquoi, à l’expérience, constatons-nous qu’ils produisent le contraire de ce qui était visé ?
Comment dégager une « vertu » ? Comment dégager de l’Idéal le point de réel, d’impossible, qu’il emporte ? Lacan fait passer son chemin par l’examen de la « Théorie des fictions » de Jérémy Bentham. Ce philosophe est plus connu pour la production d’un code de punitions, de la construction de lieux comme Fort-Boyard, une prison modèle au départ. Et aussi pour l’utilitarisme, cette façon de maximiser le Bien commun à une société, en recyclant tous les effets négatifs des inconduites.
La critique de la « théorie des valeurs » est lancée par cette question simple : « Cette valeur est-elle désirable ? »
Oui, ce que nous croyons bien n’a-t-il pas un envers ?
Nous allons continuer à nous questionner !

Nos activités reprennent, à la Maison de la psychanalyse et ailleurs, (avec toutes les mesures barrières) comme la lettre POL vous l’indique. Et aussi en visioconférence bien sûr.

A l’impossible nul n’est tenu !
Bonne rentrée à tous.

Catherine Grosbois Déléguée régionale de l’ACF en Normandie.

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