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Publié le jeudi 15 octobre 2015
ACF-Normandie et APOL proposent un après-midi de travail
Difficultés en institution, Quelle interprétation ?
Samedi 7 novembre 2015, 14h30-17h – Rouen
Illustration :
Petit robot recyclé de Brian Marshall
Avec la participation de Samantha Anicot, David Coto, Marie Izard-Delahaye, Serge Dziomba, Catherine Grosbois et Marie-Hélène Pottier.
Quelle interprétation ?
Les difficultés dans les lieux institutionnels d’accueil et de soins, ça ne manque pas ! On pourrait d’ailleurs considérer les difficultés comme étant « l’objet » même des institutions. A cela se « rajoute », s’y incluant ou pas, le rejet de la psychanalyse par le maître actuel. Nous invitons chaque collègue qui travaille en institution à venir donner son interprétation des difficultés rencontrées aujourd’hui. Quelle interprétation ? C’est aussi bien la question posée à l’ACF en tant que l’ACF avec l’Ecole a une « fonction interprétative ». Franck Rollier nous rappelait récemment le commentaire de Lacan dans le séminaire II concernant la décision de Thémistocle à la bataille de Salamine ou celle de Périclès dans sa guerre contre Sparte : « Répondre ce qu’il faut à un évènement en tant qu’il est significatif […] c’est faire la bonne interprétation1. » En effet la voie de la psychanalyse n’est pas celle de la dénonciation ni celle du « louche refus » (Verleugnung), elle est celle de l’interprétation – la « bonne interprétation ».
Pour entamer dès à présent la discussion, je proposerais plusieurs bornes qui peuvent nous servir de balises – à charge pour chacun d’en dégager d’autres !
L’objet, derrière
Si l’on se penche sur l’étymologie du mot « difficulté » dont l’usage est attesté en Français dès le XIIIe siècle, on trouve le mot latin difficultatem, de difficilis, « difficile », formé par le suffixe négatif dis- et facilis, « aisé à faire », facilis provenant du verbe facere, « faire », au sens de « fabriquer » : en ancien français, le terme difficulté renvoie plus à l’opposition d’une personne malaisée à « fabriquer » qu’à un obstacle auquel on se heurterait – c’est dire son affinité avec le discours du maître classique.
Pour ce dernier, l’objet « difficulté » est ce à quoi il faut faire face pour le réduire ou le faire entrer dans la norme du discours – ce qui s’avère impossible. La subversion du discours analytique ouvre une autre voie dans laquelle « l’objet » n’est plus « en face » mais « derrière », il est ce qui nous pousse et dont nous pouvons répondre, c’est-à-dire nous faire responsable. C’est avec ce nouvel « objet » qu’il s’agit de penser les « difficultés ».
La voie de l’angoisse
Comment sérier les difficultés en institution aujourd’hui ? Nous pouvons nous inspirer de la voie indiquée par Lacan en 1962 – celle de l’angoisse, qu’il invitait « à prendre sous le bras ». Pour cela il avait commencé par construire une matrice afin de distinguer les dimensions des trois termes freudiens inhibition, symptôme, angoisse, en les encadrant chacun de termes différenciés. Sa matrice comporte un axe vertical et un axe horizontal. Ce dernier est justement celui de la « difficulté ».
On trouve sur cet axe horizontal de la difficulté, l’inhibition, l’empêchement et l’embarras. L’empêchement dont l’étymologie Impedicare veut dire « être pris au piège » renvoie au piège de l’image narcissique dont l’objet est toujours séparé. Lorsque nous nous heurtons à cette « cassure », le piège de l’image captivante peut se refermer sur nous – empêchement du sujet. L’embarras est, lui, expérience de la « barre » dont le sujet est revêtu : « quand vous ne savez plus que faire de vous, vous cherchez derrière quoi vous remparder2 » – l’embarras, « c’est le maximum de la difficulté atteinte ».
L’axe vertical est celui du mouvement : il passe de l’inhibition, vers l’émotion puis l’émoi. L’émotion est ce qui nous jette « hors de », ce qui vient désagréger le mouvement. Alors que l’émoi est « trouble », perte de pouvoir, « chute de puissance » – il est « le ‘se troubler’ le plus profond dans la dimension du mouvement3 ». Deux autres termes viennent encadrer l’angoisse : l’acting-out, dans la même colonne que l’empêchement et l’émoi, et le passage à l’acte, dans la colonne de l’embarras et de
l’émotion.
L’angoisse des sujets accueillis en institution, l’angoisse des praticiens, leurs points d’émergence, tracent une voie féconde puisqu’elle concerne cet « objet » au statut renouvelé : elle comporte un indice du réel. La méthode de Lacan, en ce début du Séminaire X, nous enseigne la construction d’un « cadre », d’un « contexte », d’un « entour », d’un « filet » dont chaque maille « n’a de sens qu’à laisser le vide dans lequel il y a l’angoisse4 ».
Se construire un auditoire
Quels sont les entours, les embarras, les émois dans les institutions aujourd’hui ? Qu’est-ce que la psychanalyse peut permettre d’arracher à l’angoisse, affect central dans les institutions d’aujourd’hui ?
Qu’est-ce que nous devons construire comme rhétorique – au sens où Chaïm Perelman parle de la « construction d’un auditoire qui ne soit point inadéquate à l’expérience5 » ? Qu’est-ce que nous avons à dire et à ne pas dire, à montrer ou à démontrer ? A l’heure des protocoles et de la dictature des chiffres, quel Autre avons-nous à construire et constituer comme auditoire ?
Là où se concentrent les difficultés est aussi le point de condensation de « l’objet » dans l’institution-sujet – c’est de là que peuvent surgir de nouvelles ressources. N’est-ce pas ce qu’ont déclenché les « plans autisme » ? Nous sommes poussés toujours plus à réinventer notre clinique pour être « au plus près de ce qui préoccupent ces enfants » ; l’usage du dernier enseignement de Lacan tel que J.-A. Miller en dessine le relief nous permet d’« obtenir une description plus fine des phénomènes cliniques en jeu dans le champ du spectre des autismes » – comme le souligne Éric Laurent dans La bataille de l’autisme. Il y précise que « le véritable maître de l’institution, c’est la clinique de l’instance de la lettre et les modes de répétition réelle qui traversent les sujets qui lui sont confiés »6 et il situe ainsi l’enjeu clinique et psychanalytique actuel : « que chacun s’y fasse la cause de la parole de l’Autre, de ce qui peut se construire comme bord, des possibilités de déplacement des limites de ce qui a été encapsulé comme mode de défense contre la menace incarnée par l’Autre7. »
Marie-Hélène Doguet-Dziomba
Notes :
1 Jacques Lacan, Le Séminaire, livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Le Seuil, 1978, p. 31.
2 Jacques Lacan, Le Séminaire, livre X, L’angoisse, Le Seuil, 2004, p. 20.
3 Ibid., p. 22.
4 Ibid., p. 18.
5 C. Perelman, L. Olbrechts-‐Tyteca, Traité de l’argumentation, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2008, p. 25.
6 Eric Laurent, La bataille de l’autisme, Navarin, 2012, p. 101.
7 Ibid., p. 112.
Cet après-midi de travail est organisé par l’ACF-Normandie et l’Athénée Psychanalytique d’Orientation lacanienne (APOL) pour les membres de l’ACF, d’APOL et de l’Atelier de lecture du CERCLe.
Il est toutefois possible aux non-membres qui le souhaitent d’y participer, sur inscription.
Samedi 7 novembre 2015 de 14h30 à 17 h.
Maison de la psychanalyse en Normandie,
48 rue l’Abbé de l’Epée, à Rouen (76).
Consulter le plan d’accès ».
Participation : 5 euros.
Inscription :
Les personnes qui ne sont membres ni de l’ACF-Normandie, ni d’APOL ou du CERCLe doivent prendre contact avec Marie-Hélène Doguet-Dziomba ou Jean-Louis Woerlé.
Télécharger l’affiche :
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