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Publié le mardi 1er mars 2022

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Un retour sur le premier cours « Pastoute studies » d’Esthela Solano-Suarez

Un texte de Samantha Anicot et Alexia Hautot

Dans le cadre des enseignements de l’ECF, « Le savoir psychanalytique à ciel ouvert », Esthela Solano-Suárez aborde dans son cours « Pastoute studies » l’inclassable de la jouissance spécifiquement féminine, qui ne s’universalise ni se collectivise.
Samantha Anicot et Alexia Hautot proposent de faire un retour du premier cours, dans le droit fil des Grandes Assises de l’AMP « La femme n’existe pas » qui se dérouleront du 31 mars au 3 avril 2022.

L’enseignement pour l’année 2022, proposé par E. Solano-Suàrez, intitulé : « PASTOUTE STUDIES », a commencé le 10 janvier 2022. Pour ce premier cours, E. Solano s’est appuyée sur les séminaires XVII, XVIII, XIX, XX et XXIII, ainsi que sur le texte « L’étourdit » de Lacan, auquel s’ajoute le cours de J. A-Miller de 2010-2011. Notons, que tout texte mis entre guillemets, non référencé dans les notes de bas de page, est issu du cours d’E. Solano.

- « Pastoute » : origine du concept

Le concept de « pastoute » est construit par Lacan, en réponse à la question freudienne, restée énigmatique : « que veut une femme ? » Une mise en garde est faite, contre l’idée commune laissant penser que ce concept serait à entendre du côté féminin comme « le tout écorné d’un bout », indiquant du côté imaginaire, que quelque chose viendrait à manquer. Freud, par le biais de l’analyse de femmes hystériques va « inaugurer un discours nouveau : celui de la psychanalyse ». Dans ce dispositif, il va découvrir le sens des symptômes comme relatif au sexuel. De là, une différenciation s’opère entre sexualité et génitalité. Sexualité présente chez l’enfant avant même la puberté. Pour Freud concernant la fille, l’envie du pénis a pour effet l’orientation des femmes vers le père. La question du phallus est primordiale : la petite fille devant se détourner de sa mère, pour s’orienter vers le père puis vers les hommes dont elle espère le phallus. Dans la maternité, de façon métaphorique, l’enfant viendrait se situer en place de phallus.

En se référant à la logique aristotélicienne, dans l’analyse propositionnelle, Lacan va aborder ce concept de « pastoute ». Un petit détour s’impose par une référence aux grandes assises de l’AMP 2022, sous le titre : « La femme n’existe pas ». Pour Lacan l’article « la » de la femme, « ne peut s’écrire qu’à condition d’être barré ou affecté par la barre », démontrant qu’il n’y a pas « d’essence de la féminité ». De cette impossibilité à écrire La femme découle le fait « qu’il n’y a que des femmes, une par une ».

E. Solano interroge ce qui chez chacune participe du « pastout » ?
Le terme « studies » inscrit dans le titre du cours, est emprunté à J. Leclerc sur la théorie du genre.

- Le genre, comme semblant

« Si le genre forclot le sexe, il semble que ce qui est chassé par la porte revient par la fenêtre sous différentes modalités, qui témoignent de nos jours, au niveau clinique, d’un grand malaise qui se fait jour dans de nouveaux symptômes ». Aujourd’hui, la sexualité est un pur produit du marché, donnant lieu à des gadgets appelés « les lathouses1 ». Ce marché, ferait croire au rapport sexuel », sur le plan imaginaire. Alors que « le rapport sexuel n’existe pas » selon la formule de Lacan, car la science n’a pu produire un algorithme du rapport sexuel.
Alors qu’est ce que signifiant « sexe » sinon la « faille, la fêlure, irréconciliable, l’indicible, l’impossible en tant que réel » ? Pour Lacan cette faille se supporte de « pastoute ». Le sexe ne se supportant pas de la loi phallique « mais de ce qui, en échappant (de la loi phallique) relève d’une jouissance qui n’est pas universalisable ».

Le réel de la psychanalyse est différent du réel de la science, car il « ne fonctionne pas en étant régi par un savoir dont on peut en déduire les lois ». La psychanalyse n’est ni une conception du monde, ni une science, mais c’est une expérience relevant d’un discours, « introduit par Freud dans le champ humain ».

- Qu’est-ce qu’un discours ?

Lacan le définit comme « un mode de lien social fondé sur le langage ». Esthela Solano nous rappelle les 4 lettres dont Lacan se sert pour écrire ce discours : S1, S2, S barré et petit a.

La psychanalyse est le seul discours n’impliquant pas une domination. Il ne donne donc pas lieu « à des prescriptions valables pour tous » mais, « c’est un discours où l’élucidation de l’embrouille relative au sexuel propre à chacun pourra être élucidée. Donc c’est un discours qui caractérise ce qui s’est produit dans le cadre du lien social établi entre l’analysant et l’analyste, dans une expérience de parole ». Notons que dans le lien social propre au dispositif analytique, l’analysant pourra entrevoir « la singularité de ce ratage et de son embrouille toujours relative à la chose sexuelle, via le symptôme et le fantasme qui s’enracinent dans l’impossible sexuel ».

- La sexualité

Du côté de la sexualité se rencontre un écueil qui est celui du préjugé biologique, s’appuyant sur le modèle animal. Lacan précise qu’il existe quelque chose « qui disjoint absolument cette référence chez le parlêtre, de la parade animale » : pour le parlêtre, « ce semblant est pris dans un discours et, par voie de conséquence, « il est bien possible qu’il arrive des accidents, que ça glisse que ça dérape vers quelque chose qui n’est pas de l’ordre du semblant, mais de l’ordre du passage à l’acte » ». Cela contraste avec la courtoisie que l’on remarque dans la parade sexuelle animale. « Parce qu’aux limites du discours il y a du réel », faisant dire à Lacan que, « par rapport au parlant, au niveau du sexuel, même une grenouille sait mieux faire2 ». Chez les humains, « il n’y a pas de savoir inscrit dans l’inconscient qui puisse faire rapport sexuel ».

- La jouissance sexuelle

Dans l’expérience analytique, la parole n’est pas un outil de communication. Mais, elle est le lieu du malentendu. C’est donc à des fins de jouissance que nous usons de la parole. C’est de là que Freud dégagera le concept de pulsion, traduit par Lacan, non pas par « instinct » mais par « dérive ». Aux objets dégagés par Freud dans Les trois essais, Lacan va ajouter l’objet voix et l’objet regard. « Ce sont des objets que l’on perd, dont on se sépare, dont on récupère, ce que Lacan appelle une « lichette de jouissance », qui investit des orifices du corps ». Ainsi, « la jouissance est toujours jouissance d’un corps ; c’est le corps qui jouit ».

A propos du texte de Freud, « Un enfant est battu », E. Solano interroge « en quoi un tel fantasme où « on bat un enfant », peut procurer une excitation érotique ?". Elle a l’idée que « c’est la fonction du fantasme qui sert de support au désir, chez le parlant », et que « l’objet du fantasme n’est pas l’objet visé par le désir, mais l’objet qui cause le désir (objet petit a) ».

- Besoins et langage :

Les besoins, de l’être parlant sont contaminés d’être impliqués dans une autre satisfaction, située au niveau de l’inconscient, jouissance se supportant du langage. « Les besoins, sont non seulement contaminés mais deviennent une toute autre chose qu’un besoin ; ils ont transmuté en substance jouissante. On peut reprendre ici la fonction du fantasme inconscient, dans la mesure où ça vient nous indiquer que c’est l’appareillage de langage qui fait fonction pour le parlant à des fins de jouissance. Le fantasme est une fonction appareillée par le langage et qui se fait le support de notre réalité. Le langage fait d’un signifiant unique, le « phallus », « le responsable du sens sexuel qui parlotte dans l’inconscient à la place du rapport sexuel qu’il n’y a pas ». Le signifiant« phallus », n’est pas une référence à l’organe, mais est un semblant, s’inscrivant « à la place de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire en tant qu’impossibilité d’écriture du rapport sexuel ». On la refoule la dite jouissance parce qu’il ne convient pas qu’elle soit dite. Parce qu’elle n’est pas celle qu’il faut mais celle qu’il ne faut pas. Parce que à cause de ce qu’elle parle, la dite jouissance, le rapport sexuel n’y est pas3. Cela montre que l’être parlant est pris dans un appareillage de langage, impliquant un passage, du côté du besoin, à la béance du registre du désir. Même refoulée cette jouissance appelée l’autre satisfaction, ne se fait pas. Et le premier effet du refoulement, c’est qu’elle parle d’autre chose. L’origine du symptôme « est relative au pêché au sens de la faute inscrite au cœur du sexe. Faute provenant du défaut d’inscription du rapport sexuel. Alors, à la place de cette non inscription, on trouve le symptôme ». Passer par le dispositif analytique permettrait de faire l’expérience des embrouilles de la jouissance sexuelle.

Concernant le tableau de la sexuation : du côté masculin, le petit a vient se substituer au S(A barré). Lacan parle « de perversion polymorphe du mâle4 ». L’objet a, qui est un semblant vient en lieu et place « du partenaire qu’il n’y a pas pour l’homme ». A la fin de son enseignement, Lacan énonce que le réel se distingue de l’objet petit a, semblant. Cela va indiquer comment il est possible de passer « du blabla au statut de l’écrit dans l’expérience analytique ». C’est un point fondamental car aborder les impasses du réel du sexe, conduira Lacan « a faire un usage de la logique qui est la seule à pouvoir nous conduire vers ce qui est possible d’examiner en terme d’impasse logique ou d’impossible à écrire ».

Notes :
1 Lacan J., Le Séminaire livre XVII, L’envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, page 188.
2 Lacan J., Discours d’ouverture de la rencontre à Caracas, 12 juillet 1980.
3 Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, page 57
4 Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, op.cit., page 68


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