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Publié le jeudi 29 avril 2021

En attendant le colloque de l’ACF au Havre en mai 2021

Préliminaires 6

Actualité de la causalité psychique - Que devient la folie dans nos pratiques ?

Quentin Metsys, Allégorie de la folie


Actualités de la causalité psychique

Que devient la folie dans nos pratiques ?

Samedi 29 mai 2021 de 9h à 17h
Institut des Formations Paramédicales
28 rue Foubert – Le Havre

Nous aurons le plaisir d’avoir parmi nous Fabien Grasser, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP, psychiatre des hôpitaux, ancien chef de service de l’Unité clinique Jacques Lacan à Yerres, ancien directeur du CPCT (Centre Psychanalytique de Consultations et de Traitements) de Paris.
Réservez dès à présent la date du samedi 29 mai. Faîtes connaître cette manifestation de l’ACF sur vos lieux de travail et autour de vous.

Ce numéro de Préliminaires comprend :
-  L’argument proposé par Catherine Grosbois, déléguée régionale de l’ACF en Normandie
-  Un texte de José Luis Garcia Castellano sur « Le cerveau et la pensée ».
-  Quand et où s’inscrire au colloque ?


Pour préparer le colloque Actualité de la Causalité psychique - Que devient la folie dans nos pratiques ?, on peut lire :
- La présentation du colloque Actualité de la Causalité psychique - Que devient la folie dans nos pratiques ?
- Préliminaires 1
- Préliminaires 2
- Préliminaires 3
- Préliminaires 4
- Préliminaires 5
- Préliminaires 6


Argument

La science est devenue une composante incontournable de la matière de nos réflexions. Même quand les conditions nécessaires de production du savoir scientifique s’estompent, nous rencontrons, nous nous servons de ces données.
Et là, dès que la pratique s’appuie sur la Science, y compris celle des laboratoires et des experts, surgit un malentendu.

Dans notre quotidien, dans ce qui fait la pratique de nos métiers, soignants, enseignants, politiques et policiers ou juristes, voire simplement le questionnement que nous pouvons avoir au sujet de notre santé, ou des guides de nos actions, nous constatons des vides, des manques, des cas singuliers, des apories, des impasses.
Ou alors, surgit une question sans réponse : qui croire ? Dès que nous ne sommes plus « spécialistes », ou experts, la question devient insoluble. Son énoncé même reste problématique. Car justement l’un des fondements de la science est d’exclure le singulier de la croyance.

Le texte des Écrits de Jacques Lacan, « Propos sur la Causalité Psychique », qui a été prononcé juste après la deuxième guerre mondiale, met en tension ces questions.
En soulignant la singularité de chaque un, chacun qui se questionne, par exemple dans l’expérience de parole avec un analyste, qui fait surgir la possibilité de s’attribuer un inconscient, et donc ouvre aux questions de l’action de l’interprétation, nous pourrons suivre l’actualité de ce texte.
Mais aussi, l’actualité de l’enseignement de l’auteur, Jacques Lacan.

La place essentielle faite dans ce texte à un mot qui est devenu à la fois rare, non scientifique, et à la limite de pouvoir être dit, car non conforme à l’expression dite correcte, la folie, nous servira pour nous orienter.

Nous examinerons aussi les lieux qui ont accueilli cette folie, ou qui la rencontrent dans l’exercice quotidien, singulier. Nous essaierons de dégager les pratiques qui sont issues de ces lieux, les créations qui ont été avancées.
Nous questionnerons les objets qui ont surgi : aussi bien ceux qui servent les « diagnostics » que ceux qui axent les « traitements » de ce qui est désormais « trouble ».

Au plaisir de vous rencontrer au Havre, le bien nommé pour nous accueillir, en présence si possible.

A bientôt,
Catherine Grosbois, déléguée régionale de l’ACF en Normandie


Le cerveau et la pensée

« Le cerveau et la pensée » est le titre d’une conférence donnée par Georges Canguilhem en 1980 à la Sorbonne.
Nous extrayons de son texte deux versants :
- D’une part, l’épistémologue, historien des sciences du vivant, nous donne quelques aperçus sur ces deux termes et leur relation ;
- D’autre part, le résistant, face à la barbarie nazie, nous alerte et pointe des dangers.

Le cerveau et la pensée dans l’histoire de la culture

Pour la doxa d’aujourd’hui (1980), le cerveau humain est l’organe de la pensée.
Il faut rappeler que pour Aristote la fonction du cerveau est de refroidir le corps de l’animal. C’est pour Hippocrate le siège des sensations, l’organe des mouvements et des jugements. Cette doctrine, reprise en partie par Platon, doit à Galien de s’être imposée dans la culture occidentale.
Le cerveau a reçu, de ses origines, la question du siège de l’âme. A partir de Descartes, les théories et polémiques se sont succédées. Et au XIXe siècle, ce fut le lieu du combat du positivisme contre le spiritualisme : la théorie des localisations cérébrales.
C’est en 1810, avec Gall, que commence la science du cerveau. Le point fort de sa doctrine est l’exclusivité reconnue à l’encéphale, et particulièrement aux hémisphères cérébraux, comme « siège » de toutes les facultés intellectuelles et morales. Gall et ses disciples soutiennent l’innéité des qualités morales et des pouvoirs intellectuels contre l’idéologie sensualiste qui promouvait l’acquisition de l’expérience sous la pression de l’environnement. Gall et Spurzheim ont souligné la portée pratique de leurs théories dans l’ordre de la pédagogie, du dépistage des aptitudes, de la médecine et de la police (prévention de la délinquance).
Pour Canguilhem l’influence de la phrénologie sur la psychopathologie est capitale : on se rappellera que les premières localisations cérébrales de fonctions intellectuelles ont concerné les troubles de la parole et de la mémoire des mots. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la neurologie expérimentale a été élevée par certains au rang de philosophie. Canguilhem remarque la rapidité avec laquelle la connaissance supposée des fonctions du cerveau est investie dans des techniques d’intervention, comme si la démarche théorique était congénitalement suscitée par un intérêt pratique.
En France, c’est Hippolyte Taine qui est le chef de file d’une théorie qui accrédite la thèse du parallélisme psychophysiologique. Freud, en 1896, reconnaît une dette à l’égard de Taine, mais, plus tard, la topique psychique qu’il invente n’a rien à voir avec l’anatomie.

L’enjeu philosophique du problème cerveau-pensée

Le savant phrénologiste, à partir de l’image du crâne de Descartes, conclut que tout Descartes, biographie et philosophie, est dans un cerveau qu’il faut bien dire son cerveau, le cerveau de Descartes, puisque le cerveau contient la faculté de percevoir les actions qui sont en lui.
Tout au long du XIXe siècle, le Je pense a été refusé ou réfuté au profit d’un penser sans sujet personnel responsable. Une référence en est Lichtenberg : « On devrait dire ça pense comme on dit ça brille ». Rimbaud et Nietzsche ont cru devoir s’excuser d’avoir cédé à l’illusion de leur moi pensant.
Le Wo Es war soll Ich werden de Freud, Canguilhem le commente : comment un Je pense peut-il advenir à Ça qu’indique et décrit, après le phrénologiste, le physiologiste d’aujourd’hui, à Ça, un cerveau ?

Le cerveau-ordinateur

Cette métaphore rebattue du cerveau ordinateur est justifiée dans la mesure où l’on entend par pensée des opérations de logique, de calcul, le raisonnement. Raison, ratio, dérive étymologiquement de reor, calculer.
Mais s’il n’est pas possible de concevoir une machine motivée par le projet de construire une machine, s’il n’y a pas d’ordinateur à l’origine absolue de l’ordinateur, qui interdirait au philosophe de se poser, à propos du cerveau, d’autres questions que celles des physiologistes ? Cela ne revient nullement à contester le savoir du physiologiste sur son terrain. Les progrès et la rectification du savoir des physiologistes sont l’affaire des physiologistes. Le physiologiste est maître chez soi. Mais le philosophe est indiscret partout.
L’ordinateur, c’est l’effet d’une tentative pour mimer, grâce à l’électronique du XXe siècle, les propriétés déjà reconnues au cerveau par la neurophysiologie du XIXe : réception de stimuli, transmission et aiguillage de signaux, élaboration de réponses, enregistrement d’opérations.
Il y a là un cas particulier de stratégie théorique caractéristique de la science actuelle : à partir d’observations et d’expériences menées dans un certain domaine de réalité, on construit un modèle ; et à partir de ce modèle on continue à affiner la connaissance, comme si on avait affaire à la réalité même.
Canguilhem nuance : il est cependant des physiologistes qui ne confondent pas les bornes et les limites de leur science et qui, s’appliquant à en reculer les bornes, se montrent prudents quant à la possibilité d’en franchir les limites.
Et pourtant Canguilhem s’étonne de l’intérêt universellement porté, aussi bien chez le scientifique que dans le public, à la machine électronique de la pensée humaine. Et apporte une réponse frappante : un modèle de recherche scientifique a été converti en machine de propagande idéologique à deux fins :
-  prévenir ou désarmer l’opposition à l’envahissement d’un moyen de régulation automatisée des rapports sociaux ;
-  dissimuler la présence de décideurs derrière l’anonymat de la machine.
Calculer la trajectoire d’une fusée spatiale relève de l’ordinateur. Formuler la loi de l’attraction universelle est une performance qui n’en relève pas.

Le résistant face aux dangers

Si nous cherchons à savoir comment il se fait que nous pensons comme nous pensons, c’est afin de nous défendre contre l’incitation, sournoise ou déclarée, à penser comme on voudrait que nous pensions. Et ici Canguilhem signale quelques cercles politiques, certaines méthodes de psychothérapie comportementale, les bilans de certaines sociétés d’informatique, et une visée : la normalisation de la pensée.
Il est bien connu que l’étude objective des comportements utilise les techniques du conditionnement par dispositifs d’apprentissage. Mais on ne distingue pas toujours suffisamment deux sortes de conditionnement :
-  le conditionnement pavlovien par greffe d’une relation stimulus-réponse sur une relation de type réflexe inné ;
-  le conditionnement skinnerien ou instrumental, qui est la consolidation systématique, sous l’effet réitéré d’une récompense obtenue, d’une conduite de solution satisfaisante initialement obtenue par hasard.
Dans l’une comme dans l’autre théorie du conditionnement, on estime pouvoir conclure de l’animal à l’homme, et on ne peut contester que beaucoup de ceux qui s’en réclament ne sont pas éloignés d’identifier dressage et apprentissage, de considérer comme un milieu tout environnement, y compris le fait social et culturel dans le cas de l’homme, et finalement de glisser progressivement du concept d’éducation à celui de manipulation. À laquelle de ces deux entreprises convient-il de rattacher les techniques d’orientation ou de guidage des individus dans le milieu social, par distribution manifeste ou déguisée de récompenses ?
Dans une société conservatrice ou répressive, l’équation pensée=cerveau sert de justification aux techniques de normalisation de la conduite.
Mais l’essentiel de l’environnement social humain c’est d’être un système de significations. Une maison n’est pas perçue comme pierre ou bois mais comme un abri, un chemin n’est pas de la terre aplanie, c’est un passage, une trace.
Ici on peut rappeler que Lacan dans son « Propos sur la causalité psychique » écrivait que le mot est nœud de signification. Cette référence n’est pas dans le texte de Canguilhem.
Pour Canguilhem la relation langage-pensée renvoie à la question cerveau-pensée par la relation cerveau-langage, évoque le débat en 1975 entre Chomsky et Piaget, et affirme que les explications de type physicaliste n’ont jamais réussi à en rendre compte.

Notre propos était de nous tenir au plus près du texte de Canguilhem car, malgré les plus de quarante ans de décalage, le lecteur d’aujourd’hui peut y trouver enseignements et orientations.

Jose-Luis Garcia Castellano


Inscription au colloque

Le colloque aura lieu en présentiel si les décisions gouvernementales attendues pour le 15 mai le permettent.
Les inscriptions se feront sur place. Il est donc inutile de se préinscrire. Accueil dès 9h. Début des travaux à 9h20.
Une liste des lieux pour déjeuner en terrasse ou pour acheter de la nourriture vous sera communiquée sur place (s’il fait beau, la plage du Havre n’est pas très éloignée).
Une librairie vous permettra d’acheter des revues et livres d’orientation psychanalytique.

Mais si le colloque doit se tenir par visioconférence, il sera nécessaire de vous inscrire avant le vendredi 28 mai à midi en adressant un mail à Jean-Louis Woerlé.
La visioconférence se fera par zoom. Il vous faut avoir cette connexion et un lien vous sera adressé dans la soirée du 28 pour vous connecter dès le lendemain.

Il est possible de s’inscrire pour celles et ceux qui travaillent en institutions par la formation continue. Dans ce cas, votre institution devra adresser au plus tard le 14 mai son accord par courriel au Secrétariat d’Uforca-Rouen avec les coordonnées du responsable de la formation. Uforca-Rouen adressera une convention à votre institution. Faute de cette convention, votre inscription sera considérée comme individuelle.


Dans l’après-coup du colloque, Marie Izard, membre de l’ACF en Normandie et Isabelle Izard Blanchard rendent compte de cette journée de travail.

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